Paris 2024 : Y’a de la joie !
Pourquoi nous avons simplement droit à quelques parenthèses enchantées dans les ébranlements du monde
NOTES DE BLOG
8/6/20246 min lire


Crédits photo : Mathieu Delmestre
La joie, partout. Dans les stades en plein Paris, au Grand Palais transformé en cathédrale majestueuse de l'escrime, dans les rues, le soir, à la terrasse des cafés, sur la pelouse du Club France.
La joie, des kilomètres de joie, de chants, de danses improvisées entre les supporters et les policiers. La joie dans les Marseillaises qui descendent des travées, des « Léon » chaque fois qu’il remonte à la surface, des « Teddy » chaque fois qu’il terrasse son adversaire par ippon, des « Simone » chaque fois qu’elle s’élève dans une courbe parfaite et sourit parce qu’elle vient encore de dépasser sa propre limite, des Félix et Alexis Lebrun qui dégagent tant de sincérité et dont les sœurs sont bénévoles olympiques. Tant d’autres que nous remercions, encore et encore.
La joie dans les rues de Montmartre pour encourager les cyclistes et ces photos de peloton qui nous donnent, en un instant, le sentiment que l’on éprouve devant un tableau impressionniste. La joie, à Tahiti, où Gabriel Medina, entre ciel et mer, défie l’apesanteur. La joie des spectateurs toujours plus nombreux qui veulent voir la fabuleuse vasque olympique créée par EDF et qui illustre les enjeux climatiques. La joie sur tous visages, simple et inespérée dans ce pays, à cran, les nerfs à vifs il y encore quelques semaines, et qui se découvre une fraternité oubliée depuis trop longtemps.
Tout est simple, doux, joyeux et la France envoie au monde un message unique de respect, de dépassement et de beauté, ce cœur battant français qui se ravive depuis la cérémonie d’ouverture. Pour reprendre les mots de Thomas Jolly qui parlait de sa magnifique cérémonie d’ouverture, nous avons « nagé dans un nuage d’amour, de tolérance et de joie ».
Cérémonie inoubliable, ineffaçable et certainement, sans être chauvin, indépassable avant longtemps.
Jamais un spectacle d’ouverture n’avait été organisé en pleine ville. La pluie, invitée surprise, s’est transformée en véritable protagoniste, donnant à cet événement une dimension plus mythique encore. Le spectacle était si puissant et poétique que tout le monde - artistes, athlètes, spectateurs - se fichait bien qu’il pleuve. La pluie était devenue, par l’alchimie du prodige Jolly, lumière.
Paris sublimée par les tableaux successifs d’une esthétique sans pareille. J’ai été profondément émue. Émue comme des millions de français et des milliards de personnes. Émue par cette succession de tableaux vibrants et intenses. Avec comme point d’orgue l’hymne à l’amour d'Edith Piaf par notre grande Céline Dion sur la Tour Eiffel. J’ai pleuré des larmes de joie. La joie, déjà.
Cette cérémonie, mais aussi les athlètes français qui concourent, gagnent ou perdent, c’est la France.
La France et son Histoire. La France et son identité révolutionnaire. Face à toutes ces voix conservatrices et réactionnaires, Thomas Jolly nous a offert un moment d’unité et de fierté nationale. Avec cette volonté de réparer et de réconcilier dans l’esprit de l’olympisme. Que dire de la tête coupée de Marie Antoinette aux airs de théâtre des guignols, formidable pied de nez à Londres 2012 et prélude à la performance de Gojira, suspendu sur la Conciergerie ? Que dire de la performance dorée d’Aya Nakamura et de la garde républicaine réunies devant l'Institut de France ? Que dire de l’esprit de transgression à la française incarnée par Philippe Katerine, sorti théâtralement en Dionysos, par les artistes drag ou par la mise en scène d’un triangle amoureux si cher à la littérature française ? Pas grand-chose à vrai dire.
C’était juste génial, tout, du début à la fin, sans bémol, aucun.
Hormis les éternels commentateurs, adeptes de l’autodénigrement, voici que nous trouvons aussi bien à droite qu’à gauche de froids et cyniques calculateurs politiques qui nous expliquent qu’au pays de l’anticléricalisme, l’art ne peut offenser la religion, ne doit pas choquer, ne doit pas provoquer…
Ont-ils oublié que nous sommes le pays de la caricature ? Ont-ils seulement réfléchi ? L’art ne cherche pas à blesser mais à éveiller les consciences. Ce sont les puritains et les bigots qui se sentent blessés et heurtés par tout ce qui n’est pas eux. Nous n’avons pas de délit de blasphème en France, nous n’y reviendrons pas.
Cette cérémonie a finalement incarné et défendu la République et ses idéaux. Un appel à l’universalisme et à la tolérance. Un pied de nez en miroir aux bigots et aux fachos de tous bords. Un moment de clarification aussi, quand on observe qui se retrouve finalement du côté des réacs, notamment Jean-Luc Mélenchon avec ses critiques de la « cène », qui n’en était même pas une... Pas de surprise, mais une nouvelle déception. Se placer du côté des censeurs, sciemment et cyniquement, par pur calcul politique, c’est éprouvant pour l’ensemble de la gauche.
Ce sont toutes ces identités invisibilisées, moquées et repoussées aux marges qui ont été au cœur de la cérémonie, ces identités qui ne constituent nul séparatisme mais bien nos multitudes. Ce sont toutes ces femmes, oubliées du récit national, que le tableau « Sororité » a mises à l’honneur et replacées au cœur de l’histoire de France.
Quelle émotion de voir Louise Michel et ses consœurs, héroïnes de nos luttes pour l’égalité, sortir des eaux pour montrer au monde notre histoire quand, comme moi, on scande “vive la commune” et chante Le Temps des Cerises chaque année rue de la Fontaine au Roi, dans le 11e, pour célébrer la chute de la dernière barricade de la Commune de Paris.
Un hymne à la diversité culturelle. Un mélange de toutes les cultures populaires. Une manifestation artistique qui touche tous les publics sans distinctions identitaires. Cette cérémonie, c’est un pied-de-nez à tous ceux qui fantasment notre Nation comme un espace replié sur lui-même, promis au déclin. Sans surprise, les figures de l’extrême-droite européenne ont vivement réagi, avec, en tête de gondole, Marion Maréchal, première bigote de France.
Cette cérémonie fut une nouvelle preuve que l’art peut produire et mettre en scène un imaginaire national, et évidemment le faire rayonner.
J’ose le dire haut et fort : je suis fière d’être Française.
Oui, ces athlètes nous transpercent d’émotions. Les images et les messages que nous envoyons au monde sont magistraux : respect de tous, dépassement de soi, beauté de la France et joie populaire.
Oui le cœur battant de la France est beau, chaleureux et festif. Est-ce une hérésie de le dire quand on est une parlementaire de gauche, comme moi ? Non.
Il n’y a pas de doute : jamais une telle cérémonie n’aurait pu être organisée avec le Rassemblement national au pouvoir. Cette cérémonie incarnait tout simplement l’esprit et le génie français.
Oui, j’aime ces Jeux. Est-ce rendre les armes devant Emmanuel Macron que de le dire ? Non.
Alors que nous communions dans une douce euphorie qui fait tant de bien à notre pays, certains continuent de se perdre ailleurs et imposent une mise à distance dont ils sont les seuls responsables. Sophia Chikirou se croit obligée de tresser des lauriers honteux au terroriste Haniyeh pour éviter d’être oubliée, une partie de la gauche reste mutique sur les élections contestées au Venezuela et l’extrême-droite fait semblant de s’intéresser au palmarès, elle qui a proféré toutes les menaces sur la cérémonie d’ouverture, son hymne à la diversité et au respect et met en danger les acteurs de cet incroyable moment. Oui, ces Jeux Olympiques sont magnifiques et certains acteurs politiques s’oublient ou se révèlent dans des spectacles pathétiques.
Dire que nous sommes heureux de ces Jeux ne nous empêchera pas de mener un combat politique acharné pour nos valeurs et l’égalité, bien au contraire, ils nous nourrissent. Nous nous battrons pour le sport pour toutes et tous, pour une juste et digne rémunération des athlètes, pour une culture universelle, libre et sans censure. Pour un modèle olympique qui sorte de ses obsessions financières et de sa dépendance à des sponsors adeptes du greenwashing. Pour une santé universelle et un hôpital public renforcé, alors que nous voyons les athlètes étrangers s'émerveiller de la “gratuité” des soins mais que nous connaissons la réalité de l’état de nos services publics. Pour une véritable politique d’accueil des personnes sans-abri, loin du nettoyage social opéré par le gouvernement avant le début de ces jeux.
Les Français le savent parfaitement. Rien n’est oublié. Nous avons simplement droit à quelques parenthèses enchantées dans les ébranlements du monde.
Emma Rafowicz


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